« Comment je suis devenu un laïcard crasseux »

La laïcité est-elle un nouveau fascisme ?

«Si moi-même ne suis pas pour moi, qui sera pour moi ? »
« Et quand moi aussi je pense à moi qui suis-je ? »
« Et si ce n’est pas maintenant, quand alors ? »
Les maximes des pères. (Ch I,13, Rabbin Hillel )

Laïcard crasseux.
Tête lourde, inexplicable malaise, nausée… qu’est-ce qui m’arrive ce samedi matin 25 mars 2004 ? Assis au bord du lit, draps défaits d’une nuit trop brève agitée, moite d’insomnie, désordre des draps froissés, impression confuse que quelque chose a changé… la tête entre les mains, lourde, cheveux hirsutes, visage défait… gueule de bois sans avoir bu… les pires. Merde ! Merde ! J’ai compris !
Je suis devenu fasciste, laïcard crasseux, raciste ignoble !

Voilà l’épouvantable explication ! J’ai viré ma cuti, passé de la gauche à l’extrême droite, rejoint le camps du pire ! Y a-t-il un remède ? Est-ce contagieux ? Je pense à ma femme, à mes enfants, s’apercevront-ils de ma tare ? A ma mère… sûr à quatre-vingt-huit ans, elle va pas comprendre ! Y-a-t-il un risque de contamination ? Mais comment… comment un tel drame a-t-il pu se produire en une nuit ? Pourtant tout allait bien, j’étais parfait sous tous rapports, éducation dans une famille communiste, ayant fréquenté l’école publique, membre des Jeunes gardes socialistes dès seize ans, du PS depuis 1971, membre de cabinet de ministres PS, puis chef de cabinet de pas moins de six ministres socialistes et non des moindres, libre penseur militant depuis mai 1973… et ça me tombe dessus sans prévenir ce samedi 25 Mars 2004… l’horreur !
C’est trop injuste ! Pourquoi moi ?

Qui a posé le bon diagnostic ? Philippe Moureaux… un connaisseur… une Autorité, qui alors que je présentais la nuit précédente des amendements au programme électoral pour les régionales du 13 Juin 2004, tous dans le sens d’une expression claire, affirmée de la laïcité et de l’égalité Homme/Femme, a hurlé
« mais c’est au voile qu’il s’attaque… laïcard crasseux ! laïcard crasseux, laïcard crasseux ! » Suivirent deux ou trois minutes d’invectives où le terme raciste est l’un des moindres… dont je pris, comme toujours collaborateur appliqué, soigneusement note. Quand Moureaux dans sa diatribe évoqua le rite de la circoncision chez les Juifs, Anne-Sylvie Mouzon intervint « Et si on parlait de l’excision ? » Je réagis en hurlant comme le maître incontesté des lieux, je savais mieux que tous qu’il est une « âme de lapin dans une peau de tambour. » Les choses se calmèrent. Comme tous les colériques, Moureaux quitta les lieux quelques instants plus tard… il savait que les larbins de service ne laisseraient plus passer le moindre amendement sur la laïcité et l’égalité Homme/Femme, laquais… chiens de garde, c’est méchant pour les chiens ! On sait qu’il y a pire que le bourreau… son adjoint ! En sortant, il me fit un signe d’amitié ! Pour moi qui ne suis pas le moins du monde colérique, les mots ont un poids, ce sont des actes, ce sont des armes… ma rupture est alors totale, définitive quelque chose s’est brisée. Je savais le pauvre Philippe « roseau peint en fer » mais là ça ne passe plus ! Entendant le mot laïcard pour la première fois, rentré chez moi, fébrile, les mains tremblantes, doigts humides, je consultai quelques dictionnaires et ouvrages spécialisés, je découvris que ce mot avait été créé par l’extrême droite française en 1936, ou en tout cas popularisé à ce moment, pour fustiger la gauche du Front populaire ! Epouvantable, me voilà donc ravalé au rang de successeur des Maurras, Drieu la Rochelle, Rebatet, Léon Daudet et autre Laubreaux, Henriot, Marion ( un ancien communiste ) ou Suarez ! L’horreur intégrale, le pire du pire ! L’ignominie incarnée… j’avais ma place au côté de Céline, de Laval à Sigmaringen antichambre du peloton d’exécution bien mérité pour ces salauds !

Moureaux ne pouvait pas se tromper ! Il n’a pas toujours raison mais il n’a jamais tort ! En tout cas c’est ce qu’il pense… alors moi, frêle spécimen d’une espèce en voie de disparition, défenseur de la laïcité à Bruxelles, de l’égalité
homme/femme, des valeurs de la déclaration des droits de l’homme… alors pensez-vous ? C’est à peine s’il peut me voir des hauteurs où il plane ! Le diagnostic du « docteur » Moureaux pouvait-il être remis en question, la maladie est-elle bien celle identifiée par le Ministre d’Etat, fils de Ministre, mari de Ministre, futur père de députée… du lourd, vraiment du lourd ! Je songeai vaguement au suicide… mais je me dis que la meilleure façon de se suicider est de continuer à vivre… et reprendre sans cesse le combat pour les valeurs auxquelles je crois ! Cela valait en tout cas la peine d’y réfléchir !

L’extrême droite a compris !
Font-ils un cauchemar, sont-ils victimes d’hallucinations ceux qui constatent que dans notre ville-région : certains quartiers sont des ghettos, certaines écoles sont des ghettos, que les revendications à caractères religieux se multiplient, que l’égalité homme/femme est niée, que la pratique de la laïcité qu’ils ont toujours connue est remise en question, que l’espace publique est toujours plus envahi par l’affirmation d’une appartenance religieuse, qu’il existe des zones de non – droit… et le pire que certains quartiers sont des pépinières de terroristes islamistes ? Malheureusement, je ne crois pas que tout ce qui précède appartienne à un mauvais rêve, c’est la triste réalité de ce qu’est devenue notre région. Les tragédies que nous venons de vivre ont conduit le monde entier à en être le témoin stupéfait. J’ai rencontré les équipes de journalistes de TF1 et de M6, j’ai pu constater moi-même leur incrédulité face à ce qu’ils découvraient à Molenbeek et ailleurs. Pourtant, certains tentent de faire croire que cela n’existe pas, que seule la question sociale est à l’origine des monstruosités dont nous sommes les témoins et dont ces grandes âmes islamo-gauchistes considèrent que nous sommes responsables !
Depuis longtemps, l’extrême droite a compris, qu’une certaine gauche, par intérêt électoral, par repentance coloniale, par haine de la société occidentale, avait largué ses valeurs fondatrices. Elle s’est engouffrée dans la brèche et a pris la défense des valeurs qu’elle avait pendant des décennies vilipendées. Incroyable, c’est le Front National qui défend la laïcité ! Ceux qui naquirent dans le désir de maintenir l’Algérie française trouvaient des vertus aux droits de l’homme. Subitement le débat politique renversait tous les fronts ! Cela veut-il dire que les défenseurs de la laïcité sont devenus fascistes ? C’est ce qu’on essaie de nous faire croire sur base d’un syllogisme enfantin. Des fascistes, des racistes défendent la laïcité, la laïcité est donc une idée raciste, fasciste… donc les défenseurs de la laïcité sont des racistes, des fascistes… Pauvre Aristote !
Une technique stalinienne.
Ainsi, il était facile à ceux qui, pour toutes les raisons évoquées plus haut, avaient bazardé leurs valeurs, de hurler que ceux qui défendaient la laïcité, l’égalité homme/femme, les dispositions de la déclaration des droits de l’homme, étaient des fascistes, d’ignobles racistes… allez hop, tous dans le même sac. C’est une technique communiste bien connue… si tu n’es pas d’accord avec moi à cent pour cent… tu es un ennemi à cent pour cent… cela s’appelle du stalinisme et cela a fonctionné pendant des dizaines d’années, avec les conséquences que l’on connait. Pourtant la différence est facile à faire, il y a des marqueurs qui ne trompent pas, à savoir l’antisémitisme et l’attitude à l’égard des femmes. Croyez – moi, c’est toujours éclairant ! Ces groupes ou partis d’extrême droite qui se font aujourd’hui les champions de la laïcité pour mieux dissimuler leur racisme, si vous creusez un peu vous découvrirez rapidement leur hostilité envers les Juifs ou leur mépris, mal dissimulé, à l’égard des femmes.

Prenez le cas de Zemmour, il est emblématique. Son avant dernier ouvrage « Le suicide français » s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. Mais comment s’est-il fait connaître, il y a vingt ans, simplement en fustigeant notre société qui s’était, selon lui, trop féminisée… c’est ainsi qu’il est devenu un « bon client » des émissions de télévision… sa critique du rôle des femmes faisait hurler… magnifique l’audience montait et Zemmour devenait une sorte d’Arturo Ui… à l’irrésistible ascension, trouvant aujourd’hui que Marine Lepen est devenue trop à gauche ! Faites l’expérience et vous découvrirez que certains sites internet « grand défenseur de la laïcité » ont des relents antisémites très vite perceptibles même si le plus souvent ils se camouflent derrière la défense des Palestiniens.

Notre chemin est étroit.
Il ne fait pas de doute que notre route est étroite, que nous, défenseurs réels de la laïcité, marchons sur le fil du rasoir. A notre gauche, les partis sociaux – démocrates devenus poreux, gruyères idéologiques, ayant accepté d’abandonner ce qui faisait leur vérité profonde, la foi en l’homme, le rejet de tout immixtion du religieux dans la vie politique, la lutte pour l’égalité absolue Homme/Femme.
A notre droite… extrême, une défense de laïcité qui n’est qu’un racisme hypocrite n’osant pas dire son nom. Et nous ?

Qui encore est prêt à nous entendre, dans cette Europe affolée par la crise de l’immigration, déboussolée par la présence d’une population qui pour partie non seulement refuse de s’intégrer mais veut en outre imposer une représentation publique de sa religion, remet en cause les libertés chèrement acquises… le tout dans une situation économique de désindustrialisation et de perte d’influence économique et politique au plan mondial. Et après cela vous voudriez que le populisme ne gagne pas de terrain !

J’étais stupéfait, il y a quelques mois de lire que le président du CD&V, estimait que la revendication de l’inscription de la laïcité dans la constitution était une initiative « de la loge. » Ben voyons mais c’est bien sûr… ce sont les francs-maçons ! Je pensais ces vieilles lunes depuis longtemps éteintes, je me trompais !
Les temps obscurs reviennent. Dans un tel contexte, notre responsabilité est immense ! Nous ne devons plus, nous ne pouvons plus, laisser passer quelques atteintes que ce soient à nos libertés, à nos valeurs… à la laïcité, à l’égalité entre les Femmes et les Hommes… on l’a vu en Pologne, la liberté est fragile… des droits acquis après tant de luttes peuvent rapidement disparaître.

Mettons nous en colère !
Nous avons la chance de vivre, d’encore vivre, dans un pays démocratique.
Les défenseurs de la laïcité doivent se faire entendre, doivent cesser d’être des gens polis et bien élevés. Il est plus que temps de nous ressaisir et faire connaître haut et fort nos positions. On nous range dans la fachosphère, on nous traite de racistes, d’islamophobes et bien pourquoi ne dénoncerions nous pas de la même façon les partis, où les hommes politiques, qui de façon affirmée ou hypocrite ont abandonné nos valeurs ! N’ayons plus peur ! Sinon, de glissements en aménagements, subrepticement nous changerons de société… Soyez certains que ceux qui vont chercher leurs voix dans les mosquées vous présenteront comme normales des pratiques qui aujourd’hui vous font dresser les cheveux sur la tête…car les mêmes au moment du scrutin vous diront qu’ils défendent toujours nos valeurs… cela s’appelle ratisser large.

Seront nous assez bêtes, assez naïfs pour les croire ? Non ! levons nous, battons nous, hurlons que nous ne voulons pas changer de société, que la laïcité n’est pas, comme on le fait croire à la communauté musulmane, une autre religion mais que c’est l’affirmation d’une liberté totale de croire ou de ne pas croire, de respect absolu de l’autre dans sa foi ou sa philosophie.
Si nous ne nous levons pas… qui le fera à notre place ?
Mettons nous en colère !  Nos idées en valent la peine !
Hermanus Merry

7 réponses à “« Comment je suis devenu un laïcard crasseux »

  1. Merci, Monsieur Hermanus.

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  2. Merci à vous de m’avoir lu.

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  3. Michel Lardot

    Merci cher Mery,ayant été traité de laîcard moi-même,je te soutiens totalement
    Michel Lardot

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  4. Merci beaucoup Michel

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  5. La citation (fameuse!) de Hillel l’ancien n’est pas exacte – et en l’état pas très compréhensible:
    « Si moi je ne suis pas pour moi, qui le sera?
    Si je ne suis que pour moi, que suis-je (qu’est-ce que je vaux)?
    Et si pas maintenant, quand? »
    Amicalement (ça c’est de moi 😉

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  6. Claude De Lathouwer

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  7. Pas de problème, merci beaucoup.

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