J’ai été fasciné par la lecture du Journal d’un homme avec lequel je n’ai pas le moindre atome crochu. Cependant, je crois n’avoir jamais mieux pris connaissance du rôle de l’avocat, des difficultés qu’il a à affronter. J’ai visionné, il y a peu, un documentaire sur l’abominable crime commis par un certain Hotyat qui en haute Savoie, par jalousie, a massacré la famille Flactif, les trois enfants en bas âge et les parents. La culpabilité ne fait pas le moindre doute. Les avocats de la défense interviennent dans le documentaire, leurs arguments sont absurdes, parfois même ridicules, mais Hotyat fut, malgré tout, défendu. Il y a un évident contraste, très perceptible dans les Journaux de Garçon avec les magistrats, il ne les épargne pas. Cela pose de toute évidence la délicate question du contrôle démocratique sur la justice, qui, c’est de nos jours une incongruité, est le seul service public sur lequel il n’existe pas de contrôle démocratique. Ce qu’expliquait déjà il y a 50 ans Casamayor, (pseudonyme)qui étant magistrat lui-même se posait la question de savoir pourquoi avait-on donné le nom d’une vertu à un ministère ?
Maurice Garçon « Journal 1939-1945. »
En lisant ce « Journal » j’ai ressenti comme jamais ce que fut l’effondrement de juin 1940, vichy et l’occupation. C’est fantastique de vérité, d’authenticité. Et pourtant, le moins qu’on puisse dire est que je ne suis pas proche de ce grand bourgeois conservateur. Maurice Garçon est avocat comme son père, il réussit et se fait une place dans ce monde de magistrats et d’avocats. Il exprime le plus grand mépris pour les magistrats, certaines de ses phrases sont terribles…mais tellement justes…encore aujourd’hui. Dès le premier discours de Pétain, il comprend que celui-ci n’est qu’un traître ambitieux, il s’opposera toujours à lui le considérant comme sénile, mais dangereux. Il n’a pas plus d’estime pour de Gaulle, qui n’est à ses yeux qu’un général factieux. Il ne se rallie pas à la résistance. Il exprime tous les stéréotypes antisémites de l’époque qu’il exprimera encore après la guerre, mais il est profondément heurté par la persécution dont ils sont l’objet. Il fustige les magistrats et les avocats qui se sont ralliés en masse au régime de vichy et qui collaborent avec les Allemands. Il exprime son horreur des sections spéciales et du viol systématique des droits de la défense et de la non-rétroactivité des lois. Il défendra certains résistants et en sauvera un d’une mort certaine. En fait, la boussole de ce républicain sincère ce sont les Droits de l’homme, les droits de la défense. Il vitupérera de la même façon contre les abus de la libération et de l’épuration. Quelques mois avant la fin de la guerre, il sera fort préoccupé par son entrée, qu’il ratera, à l’Académie française, il devra attendre encore deux ans ! Alors que des résistants luttaient contre les Allemands. Malgré ses limites, son témoignage est exceptionnel, sans doute l’un des meilleurs sur cet terrible époque.
21 juin 2015
Maurice GARCON « Journal 1912 – 1939 » 2022 Fayard
Voilà bien un homme que j’aurais aimé détester… et pourtant ! Ce fils d’une famille bourgeoise très conservatrice a des réactions à l’opposé de toutes celles que j’ai pu avoir, et pourtant devenu avocat, sans perdre jamais ce qui fait sa structure sociale et politique, il défend ses clients avec une vigueur, une conscience, une ténacité exemplaire. Il défend tous ceux dont il a décidé de prendre le parti, qu’il s’agisse de pauvres ou de riches. Pendant la guerre de 14, il est chargé de plaider pour des déserteurs ou des soldats qui s’étaient automutilés, ce sont de pauvres bougres comme l’immense majorité de ceux qui sont morts dans les tranchées, cela n’enlève rien à la fougue qu’il met à les sauver. Parfois, il échouera et maudira en les ridiculisant les « juges » militaires.
Ce sera le fil rouge de toute sa carrière, ce goût de défendre envers et contre tout.
Son milieu lui permet d’échapper à la conscription, lui, n’ira pas dans la boue de Verdun ou autres lieux où l’on se massacre.
Son regard sur cette guerre est distancié, jamais il ne verse dans le patriotisme cocardier. Il se réjouit de la victoire de la France, mais conserve toute sa lucidité.
Autre constante, sa haine, son profond mépris pour les magistrats. Il n’hésite pas à décortiquer leurs carrières, pointe les incohérences, les trahisons, éléments dont le but est d’abord et avant tout la carrière, l’avancement. Ainsi, je découvre le début de la carrière de l’innommable Mornet qui requerra contre Pétain et Laval après avoir sollicité d’être avocat général au procès de Riom et d’avoir siégé dans la commission de dénaturalisation instituée par Pétain !
Dans ce journal, il brosse le portrait de nombre de personnalités, politiques, littéraires ou magistrats, pas un ne trouve grâce à ses yeux. Il est d’une dureté implacable. Ses confrères ne sont pas plus épargnés, peu trouvent grâce à ses yeux.
Il évoque assez peu les bouleversements politiques et sociaux des années 30. Une fois de plus sa lucidité, sa distanciation le mettent à l’abri d’un engagement dans un camp ou l’autre. Bien sûr, cela reste un grand bourgeois, le Front populaire, ne correspondait certes pas à ses souhaits. Mais contrairement à beaucoup d’autres représentants de la bourgeoisie, il garde la mesure et ne dérape pas !
De façon étonnante en 1930, il est l’avocat de l’URSS dans le procès qui est fait au frère de Litvinov, ministre des Affaires étrangères de l’URSS, qui est accusé d’avoir émis de fausses traites.
Plus stupéfiant encore, en 1939, il est contacté par le juriste nazi Grimm, qu’il connait depuis longtemps afin d’être la partie civile des parents de l’attaché militaire Vom Rath abattu par le jeune Grynspan, ce qui conduira à la nuit de christal. Affaire qui ne sera jamais plaidée. On aurait découvert que Grynspan avait eu une liaison homosexuelle avec Vom Rath. Berlin ne voulait surtout pas que cela apparaisse. Grynspan sera livré par Vichy à Berlin, il semble qu’il ait été exécuté tout à fait à la fin de la guerre.
Il faut noter que Garçon était aussi en relation avec Frank qui deviendra le bourreau de la Pologne. Tout cela ne signifie pas que Maurice Garçon ait eu la moindre velléité de soutenir les nazis. Il explique que ces gens l’inquiètent. Ce qui ne l’empêche pas d’utiliser parfois l’innommable jargon antisémite de l’époque.
J’avais déjà beaucoup aimé le premier volume du Journal de Garçon qui portait sur les années 1939 – 1945. Les Journaux permettant de prendre conscience de l’épaisseur, de l’odeur d’une époque. En ce sens pour moi, ils sont indispensables. J’ajoute concernant Garçon, la qualité de son écriture, d’un classicisme superbe.
15 novembre 2022
Assignés musulmans ? Non y en a marre !
Assignés musulmans ! Non ! D’abord des hommes et des femmes !
Je suis heureux de vous informer sur ce document très important et à mon avis unique. Pour ma part, c’est la première fois que je lis une étude précise, une réflexion sur l’assignation de nos compatriotes maghrébins à leur seule supposée religion.
Ce document devrait, sur bien des points, ouvrir une discussion dégageant de nouveaux horizons, très éloignés des stéréotypes si souvent agités aux nez de nos compatriotes issus de l’immigration.
Les auteurs se réclament de la laïcité, c’est suffisamment rare que pour être souligné.
Ce texte doit également être utile à ceux, qui issus de l’immigration, estiment ne plus être désignés, compris, assignés à leur seule supposée religion.
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