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Mais de qui donc Emir Kir est-il le député ?

« Et quand il eut dépassé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. »  Nosferatu

Pendant longtemps Emir Kir fut pour moi l’exemple d’une intégration réussie.  Tant dans sa vie publique que dans sa vie privée, tout me conduisait à penser qu’il était un magnifique exemple à suivre, qu’il représentait l’avenir de notre région, qu’il avait réussi la difficile synthèse entre le respect, le souvenir, la mémoire de ses racines et la volonté de s’insérer dans la société belge où ses parents avaient décidé de vivre.

Très vite, il fut la cible de ceux, nombreux, folliculaires en mal de notoriété, concurrents envieux de sa popularité,  de la rigueur avec laquelle il examinait les dossiers.  Je le soutins avec vigueur, me faisant quelques ennemis de plus… mais passé un certain nombre on ne compte plus… et d’ailleurs n’y a-t-il pas ce magnifique proverbe italien qui souligne que c’est le nombre de vos adversaires qui fait la juste mesure de votre valeur… alors à quoi bon se priver.  Je soutenais donc qu’il était odieux d’interroger constamment Kir sur le génocide arménien, le rendant quasiment responsable des horreurs commises par le gouvernement « Jeune turc » en 1915.  Je déclarais que Kir était belge, qu’il devait être traité comme tel et non comme un ressortissant turc.  Je l’aidais aussi dans sa réflexion, lorsque Onkelinx faisait la danse des sept voiles pour tenter de le faire déménager à Schaerbeek… et d’engranger les voix turques… promesse lui était faite d’être bourgmestre de Schaerbeek tant que Onkelinx serait vice-premier ministre.  Prudent, il ne tomba pas dans le piège et essaya d’être le premier à Saint-Josse plutôt que d’occuper le glissant strapontin qu’on lui dépliait dans la commune d’à côté.  J’en étais ravi.  On le sait,  j’ai de l’admiration pour Guy Cudell qui fut un vrai original de la politique, un innovateur, un découvreur ayant une vision de l’avenir de cette petite, très petite commune, la plus pauvre de Belgique.  Je fus heureux de voir Kir lui succéder, et ainsi être le premier bourgmestre issu de l’immigration diriger l’une des 19 communes, il pourrait ainsi être emblématique d’une intégration pleinement réussie… un exemple à suivre.

Peu après les dernières élections communales, il m’invita à déjeuner en compagnie d’un ami commun.  Je perçus une étonnante métamorphose, d’abord dans le ton, plus que ferme, les phrases péremptoires  s’enchaînaient tels des coups de sabre… pas de réplique possible… mais bon, l’autorité est tellement rare dans le monde politique qui préfère la médiocrité hypocrite à l’affirmation des convictions… cela changeait.

Survint alors l’inacceptable, nous évoquions les prochaines élections législatives, il déclara « toutes les élections doivent être communautaires, Fadila Laanan et Rachid Madrane n’ont rien compris, sans campagne communautaire pas de victoire possible. »  J’étais stupéfait, éberlué, quel changement, quelle transformation, plus question d’intégration, plus question même d’en parler !  Je n’avais plus le même homme devant moi, celui qui était devenu bourgmestre de Saint-Josse était exclusivement le représentant de la communauté turque.  Aucune tête ne doit plus dépasser, tout le monde dans le rang, le capital électoral, ce sont les immigrés turcs… et plus rien d’autre ne doit compter.  Je me retirai sur la pointe des pieds, observai de loin, constatant quand même que parmi ses échevins une individualité remarquable se détachait.  Mais des bruits sinistres me revenaient sur d’autres personnes de l’entourage de Kir, dont un échevin ne saurait ni écrire, ni lire le français !  Il paraîtrait qu’il apprend avec application.

Vint alors le pénible débat sur la reconnaissance officielle par la Belgique du génocide arménien.  Il ne s’agissait plus d’une position personnelle mais de la reconnaissance légale, officielle du premier génocide de cet horrible XXème siècle.  Qui peut, aujourd’hui, mettre en doute l’immensité du crime commis par le gouvernement « jeune turc » à l’égard de la communauté arménienne ?
Seules les instances officielles turques s’y refusent avec une obstination dont le grotesque s’ajoute à un négationnisme immonde.

On sait ce qui se passa au CDH où le président Lutgen n’hésita pas un instant à exclure la parlementaire voilée qui refusait de reconnaître cet acte de mémoire et de respect.  Kir tourna autour du pot, diffusa des communiqués de presse caraméliques, circonvolutions reptiliennes ne parvenant pas à cacher sa position négationniste.   Le courage dont avait fait preuve le CDH obligea le PS à mettre Kir au pied du mur.  Finalement, à un cheveu de l’inévitable, après de longs débats où Di Rupo mit tout son poids dans la balance, il vota tout en publiant un communiqué dont la casuistique rend jaloux les experts les plus pointus du Vatican.  Pour moi, la messe était dite depuis le triste déjeuner où Kir fit devant moi son « coming out » communautaire.

Et depuis quelques jours, la cerise sur le gâteau !  Il compare les Kurdes à Daech, aux pires islamistes, faisant semblant d’oublier que les Kurdes se battent depuis une éternité pour obtenir une reconnaissance nationale.  Ils furent les oubliés du traité de Sèvres qui en 1920 redessina les frontières du Moyen-Orient sans tenir le moindre compte de la réalité des peuples.  Sans doute a-t-il approuvé que pendant près de quatre ans l’armée turque a bombardé les Kurdes qui combattaient Daech, à l’époque, ils étaient à  peu près les seuls !

Comment ne pas se rappeler la façon dont furent organisés en Belgique les meetings électoraux pendant la campagne électorale de Turquie.  Plus de 10.000 personnes  lors de la venue d’Erdogan.  Mais aujourd’hui de quoi parle-t-on ?  Il ne s’agit pas d’un homme d’Etat lambda mais de quelqu’un qui installe une dictature aux portes de l’Europe .  Milliers d’arrestations, journalistes, écrivains, magistrats, militaires, enseignants aucune catégorie n’échappe à la prison.  La laïcité qui avait construit la Turquie moderne n’est plus qu’une ombre sans contenu, ne reste que la multitude des portraits de Mustapha Kemal, mais il ne reste rien d’autre alors que la Turquie pouvait être fière des pas de géants accomplis dans la modernité… n’oublions pas que les femmes turques ont voté avant les femmes belges !

Avec tristesse, je ne peux que constater l’alignement de Kir sur les positions les plus aberrantes d’Erdogan… plus question d’intégration… changement de rôle… le gentil garçon à la mise toujours soignée a endossé l’uniforme du porte voix d’un potentat liberticide qui estime qu’à Bruxelles non plus les Kurdes n’ont pas le droit d’exister !  Il y a de quoi avoir peur si l’ambiance à Saint-Josse est de même nature !

Que fera le PS ?  Rien !  Kir contrôle entre 14.000 et 17.000 voix, là est la terrible réalité du communautarisme triomphant. Le PS à Bruxelles est donc coincé entre une majorité d’électeurs d’origine maghrébine dont beaucoup souffrent de l’insidieuse pénétration des sectes fanatiques auxquels des élus islamo-gauchistes  aussi stupides que crédules font les yeux doux et un élu, bourgmestre de Saint-Josse, qui contrôle pour le compte d’un gouvernement étranger une bonne partie de la communauté turque de Bruxelles.  On en est là !  Il n’y a aucun doute que cela pose la question de la double nationalité.  Entre l’attachement à ses origines, à sa culture et l’inféodation au gouvernement d’un pays étranger, il existe une marge considérable.   Mais chut… chut… voilà des sujets qu’il n’est pas permis d’aborder… interdit d’en parler d’y faire allusion.  Qu’un élu du SP, vice Président du parlement bruxellois fasse récemment une hallucinante déclaration de soumission dans des termes moyenâgeux au roi du Maroc est emblématique.

Ceux qui peuvent encore se payer l’immense luxe de « penser »… « les derniers sioux qui refusent de marcher en file Indienne »… ceux qui ont cette incroyable audace, ont sans conteste le droit de se poser la question de savoir « de qui Kir et quelques autres sont-ils les élus ? »  Quant à Kir, pour moi pas de doute… « il a dépassé le pont… et les fantômes viennent à sa rencontre. »